A camping sauvage, règlement sauvage

Aucune loi fédérale ne régit le camping clandestin en Suisse. Et pour savoir dans quelles conditions planter sa tente, mieux vaut être prêt à affronter l’administration

A l’image du poète romantique, ils ont décidé que leur auberge serait à la Grande Ourse. Mais l’idéal de leur bohème a été d’abord interrompu au petit matin par l’arrivée d’un agent de sécurité muni d’un calepin et d’un stylo, puis définitivement achevé par une contravention de 200 francs.

Olivia et Antoine, tous deux en vacances cet été au Tessin, ont d’un coup vu leur séjour passer sous des cieux empreints d’amertume. «C’est la première fois que cela nous arrive, et bien que nous sachions que le camping sauvage n’est en général pas autorisé en Suisse, nous pensions qu’il était admis tant que nous respections les lieux.»

Une situation complexe

Le camping sauvage est-il toléré en Suisse? C’est une question qui éveille des réponses vaporeuses, et nuancées. En réalité, aucune loi fédérale ne régit le camping sauvage, une pratique qui a de plus en plus de succès alors que les bus aménagés font de plus en plus d’adeptes.

La réglementation est donc reléguée aux cantons et aux communes. «Cela rend la situation complexe», admet Yves Gerber, chargé de communication au TCS. Le territoire helvétique est couvert par 2240 communes. Chacune possède sa propre politique en matière d’accueil des campeurs non déclarés. «Avant de s’installer sur une commune, il faut en théorie consulter les règlements communaux ou s’adresser à la municipalité», poursuit le représentant du TCS. Face à la complexité administrative, la liberté illusoire d’une nuit en pleine nature devient toute paradoxale.

Sur l’ensemble du territoire helvétique, de grandes lignes peuvent toutefois être tirées. Il est interdit de camper dans le Parc national, les districts francs fédéraux, certaines réserves naturelles et les zones de tranquillité pour la faune. Yves Gerber précise: «Il faut aussi bien sûr considérer les propriétés privées. Souvent, les gens ignorent qu’ils ne sont pas sur un domaine public. Sans même être signalés comme tel, bon nombre de forêts et de pâturages appartiennent à quelqu’un.» Les règles de bienséances suggèrent de demander la permission d’établir son campement au propriétaire du terrain visé.

Olivia et Antoine ont évité les propriétés privées: «Il était tard et nous ne voulions pas nous faire embêter par les villageois.» Mais ils étaient au Tessin. «Les campings du Val Maggia étaient fermés et nous avons décidé de dormir dans notre voiture sur un parking dans la forêt.» En fait, ils étaient mal tombés. Ils ont fermé leurs paupières alors qu’ils reposaient sur le canton le mieux organisé dans la lutte contre le camping sauvage.

Le Tessin plus strict

Contrairement au reste de la Suisse, le Tessin a établi une loi cantonale interdisant la pratique clandestine sur l’ensemble de son territoire. Et le canton prévoit une contredanse variant entre 50 et 10 000 francs pour punir les campeurs illégaux. Libre aux communes d’appliquer cette loi à leur convenance. Dans le Vallemaggia, au vu de l’affluence touristique estivale, les grands moyens ont été déployés: «Le bas du val est classé d’importance nationale et la commune veut le protéger. Deux campings sont présents à Avegno Gorgevio et il est très rare qu’ils soient pleins. Pour empêcher le camping sauvage, le Conseil municipal a organisé une patrouille qui effectue des rondes quotidiennes, explique Luca Invernizzi, le secrétaire communal. Cette année, nous avons déjà eu affaire à plus de 50 cas.»

Que les campeurs soient sous tente, en caravane ou en voiture, peu importe. Au Tessin, tous sont logés à la même enseigne: «Une jurisprudence au niveau cantonal interdit aussi de dormir dans sa voiture», précise le secrétaire communal. D’où le montant de l’amende: 200 francs. Luca Invernizzi poursuit: «Comme partout, il suffit de consulter le règlement communal. Certains cas sont toutefois discutés et si les prévenus veulent faire recours, il est possible de faire appel aux autorités supérieures.»

S’armer de patience

Il n’a pas tort. Cette règle s’applique partout en Suisse. Et parfois, pour obtenir des renseignements, il est nécessaire de s’armer de patience. Car les communes ne sont pas dans le devoir de les publier, ni de les mettre en évidence. Vincent Duvoisin, chef de division au Secteur des affaires communales vaudoises, souligne: «Les communes n’ont même pas l’obligation d’avoir un site internet. Cependant, elles sont tenues d’informer les visiteurs s’ils demandent des informations.» Il ajoute qu’en règle générale, bien que le camping sauvage soit interdit, les communes s’avèrent souvent tolérantes. «Il est rare que les cas d’infractions soient vraiment relevés. Les campeurs sauvages s’en tirent d’ordinaire avec un avertissement», souligne-t-il.

Pas de chance, dira-t-on, pour Olivia et Antoine. Ils sont arrivés dans un canton qui, malgré la dolce vita ambiante, a pris ses dispositions: strictes mais claires. Dans le Vallemaggia, une nuit sous la Grande Ourse coûte entre 10 et 23 francs et ne s’envisage que dans l’enceinte du camping. Et si les voyageurs veulent rester loin des foules et des odeurs de saucisses grillées, ils n’auront qu’à être plus malins. Ou plus chanceux.

 

Article librement repris du journal Le Temps

Camping sauvage

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *